Il n’est pas rare d’entendre dire d’un mycologue qu’une belle récolte inattendue suffit à rembourser le déplacement...
Organiser une sortie mycologique en plein mois de juin pouvait présumer
d’une modeste récolte.
C’est pourquoi il avait été choisi de proposer aux membres de la SSNB
d’aller visiter ce que doit être la plus belle station de chênes verts
(Quercus ilex) du département de la Côte-d’Or à Santenay. Cette essence
peut entraîner avec elle un cortège de champignons inféodés dont nous
espérions trouver un ou plusieurs représentants. Dans le cas contraire,
découvrir ces arbres méridionaux serait de nature à contenter tous les
participants.
Revenons au contexte de cette sortie...
En ce 13 juin 2020, la France est déconfinée depuis peu, le Covid-19 est
toujours présent, les sorties publiques sont à nouveau autorisées,
mais sous conditions, c’est la moindre des choses.
Nous n’étions que 10 au final, nombre exact maximal autorisé, parfait !
Sous la conduite de Jean-Claude Verpeau (SMCO) et Alain Gardiennet (SMI), deux sites ont été visités :
:
• Un premier jouxtant le village de Santenay, vers le château (GPS Site
1 : 46°55.409 - 4°42.085)
Cette station est composée de plusieurs dizaines de chênes verts allant
de vieux exemplaires au-dessus d’une parcelle de vignes, à des petits
chênes très récents témoignant respectivement de son ancienneté et de
son dynamisme. Pour s’y rendre nous nous sommes garés au bout de la rue
de la Bussière, vers une propriété privée qui abrite deux énormes chênes
verts, probablement présents depuis très longtemps.
• Un second
plus au nord dans la friche calcaire (GPS Site 2: 46°55.403 –
4°42.090), au sein de chênes pubescents, cerisiers de Sainte-Lucie,
alisiers blancs, genévriers et autres commensaux de cet habitat
classique sur la côte.
Une vingtaine d’exemplaires de taille
petite à moyenne forment cette station, témoignant d’une installation
spontanée relativement récente (19 étaient observés en 2015 /
information non publiée, A. Gardiennet).
Notons également entre les deux sites la présence d’un exemplaire de
belle taille isolé en dessous d’une parcelle de vignes.
Voici les résultats de nos prospections :
Site n°1 :
Etaient
présents sur les branchettes mortes des gros chênes verts des
champignons corticiés ou gélatineux, assez classiques, citons :
Vuilleminia
comedens, Myxarium nucleatum, Exidia truncata, Exidia repanda,
Exidiopsis effusa, Peniophora quercina, Peniophora aurantiaca, Stereum
quercinum.
A cette liste, rajoutons la présence d’un pyrénomycète rarissime : Valsaria lopadostomoides.
Espèce créée en 2012 à partir d’une récolte grecque de Corfou, aucune
autre récolte au monde n’était jusque là connue. Il s’agit donc d’une
découverte majeure.
Ce champignon est peu spectaculaire, car petit, immergé dans le bois
mort, mais sa microscopie est plus attirante.
(Détermination, A. Gardiennet) :
Jean-Claude
Verpeau traquait quant à lui le champignon lamellé. C’est en fouillant,
tel un sanglier à la recherche de glands dans la litière de feuilles,
qu’il put en découvrir un, certes ne mesurant seulement quelques
millimètres : Mycena quercus-ilicis, qui comme son nom
l’indique ne vient que sur les feuilles de chênes verts. Première
observation en Côte-d’Or également, et de deux !
A
cette belle liste de champignons « querci-ilicicoles », rajoutons des
observations de champignons croissants sur branchettes de buis présents
vers les gros chênes :
Rhytidhysteron hysterinum, Unguiculariopsis ravenelii subsp. hamata (associé au précédent), Massarina cf corticola, Peniophora proxima.
Site n°2 :
Les chênes verts dans cette friche étant plus jeunes,
rien ne fût noté sur ou sous ceux-ci. Notre attention s’est donc portée
sur la pelouse calcaire. Ce milieu, Xerobromion erecti, est réputé à la fin de l’automne. La présence de Tulostoma brumale de l’hiver précédent n’est donc pas illogique en cette fin de printemps.
La
belle surprise du jour (la troisième en fait), est venue de Claude
Lerat qui nous signala un petit marasme aux airs du fameux mousseron (Marasmius oreades, automnal), mais des caractères l’en distingue rapidement.
Verdict de la détermination par Jean-Claude Verpeau : Marasmius caespitum. Première observation en Côte-d’Or, et de trois !
Dans la pelouse, à noter aussi la présence de Agrocybe pediades var. bispora
(= la forme bisporique de A. semiorbicularis)
Les mycologues étaient donc comblés, cette sortie pourra d’ores-et-déjà
prendre place dans la liste des sorties historiques locales. Quand on
sait que environ 6000 champignons ont déjà été recensés dans le
département, en rentrer 3 nouveaux n’est pas rien.
Mais soyons francs, les 2 mycologues sont repartis comblés, mais les 8
autres participants non mycologues ont dû surtout retenir l’agréable
journée de juin passée dans ce lieu magnifique qu’est la côte vers
Santenay, terminée vers l’église du hameau de Saint-Jean.
La nature nous a offert de belles rencontres naturalistes en tous
genres. Souhaitons ne pas avoir trop dérangé la Zygène turquoise (Adscita sp. probablement statices)
ou encore ce couple de timarques (Timarcha tenebricosa, la chrysomèle noire, encore appelée crache-sang!)