vendredi 1 octobre 2021

Sortie géologique , le 1er Octobre 2021 "Carrières de la Combe Valton et du Belvédère du Lac à Talant"

 

Sortie géologique , le 1er Octobre 2021

"Carrières de la Combe Valton et du Belvédère du Lac à Talant" 

proposée par la SSNB et animée par Annabelle Kersuzan et Didier Quesne, professeurs à l'Université de Dijon.


Sédimentologie,tectonique et reconstitution du  paléo-environnement des roches du Jurassique Moyen

 

Animateurs : Annabelle Kersuzan et Didier Quesne   -     CR : Paule Lavoignat

une quinzaine de participants

 

A 9 h, il faisait frisquet Combe Valton mais le beau soleil d’automne nous a vite réchauffés ! Les explications claires et ‘pointues’ faisant parler les roches, ont capté notre attention durant 4 heures . Pas simple de visualiser le sens d’un courant marin en observant les lamines obliques ou de conclure à un déplacement senestre devant un miroir de faille !
Après avoir marché sur des mégarides de marée et des oscillations de houle, nous avons escaladé la bonne dizaine de mètres du front de taille de la carrière du Belvédère du Lac, les uns comme des chamois, les autres grâce à des mains secourables !
Merci aux animateurs pour cette sortie de découverte et/ou de renouvellement des connaissances.

Front de taille de la carrière de la Combe Valton (rive droite)

 


Nous irons de droite à gauche le long de la paroi rocheuse

Nous sommes ici en région calcaire. Les roches calcaires sont des roches sédimentaires : les particules se sont déposées au fond de l’eau le plus souvent. Ces sédiments, après une diagenèse + ou – rapide (compaction et cimentation des particules) ont donné roches organisées en strates ou couches successives.
On voit ici des lignes horizontales séparant des niveaux de roches calcaires de faciès différents. Ces roches ont entre -166 à -165 Ma (millions d’années)





Il y a essentiellement deux niveaux de Calcaire de Dijon-Corton (hauteur 2/3-1/3 en partant du bas)

c’est le calcaire grenu bicolore ou Pierre de Dijon des années 60-70
séparés par un niveau peu épais de Calcaire marneux à Digonelles, souligné par une vire (surplomb).
Il est en creux car moins résistant que le précédent.

-1) Observation d’un échantillon de calcaire de Dijon-Corton : roche compacte ; bien cimentée, de couleur beige brun +ou- foncé avec des petits miroirs scintillants dus à la présence de restes d’Echinodermes... Il résiste bien à la dissolution. Nous regarderons d’autres échantillons plus loin.
 

-2) Structures visibles sur ce front de taille :

 

            - a) les lamines obliques planes dans le calcaire de Dijon-Corton :
Entre 2 discontinuités horizontales on a un cycle sédimentaire (il y a une cyclicité donc une répétition des conditions de milieu). On peut y observer des petits traits obliques distants de quelques mm ou 1 à 2cm ;
ce sont les lamines obliques. Ces figures sédimentaires attestent de la présence d’un courant  dans le bassin de dépôt. Le sable calcaire a subi un mouvement tractif unidirectionnel sur une pente. Si le dépôt enregistre un courant de marée, cela nous indique que le milieu était peu profond < quelques dizaines de mètres.
Les lamines sont vues en coupe... leur inclinaison peut être dirigée vers nous ou vers la masse calcaire, elle n’est pas forcément celle que l’on voit. Il faudrait une vue en 3D pour connaître le sens exact du courant.

 

            - b) les mégarides visibles  à gauche du miroir de faille :
Même aspect que précédemment les lames sont simplement plus épaisses, de l’ordre de quelques cm. Ici encore le sable tiré par un courant tractif, arrive sur la crête, s’écroule et descend sur la pente. Le courant était faible car il n’y a pas trace de tourbillons érosifs.

Ces structures sont partiellement masquées par un placage de calcite + récent.
Plus loin, nous marcherons sur des mégarides !: on penserait à des couches d’épaisseur différente de l’ordre de quelques cm, avec un pendage de 30°    c’est ‘tout faux’ !

            - c) un aspect souterrain du banc calcaire :
En un endroit, la roche est creusée en gouttière d’inégale largeur, tordue ; c’est la trace d’un siphon d’un petit réseau souterrain

 

            - d) les stylolithes visibles encore plus à gauche, au niveau de la zone exploitée par forage :
Sur la paroi lisse on voit de fines lignes brisées évoquant un tracé d’ECG. Elles sont brun rouille ; ceci est dû à l’argile contenue dans le calcaire.
Les lignes stylolithiques indiquent une compaction verticale du sédiment (contraintes perpendiculaires à la ligne et parallèle aux pics stylolithiques)
La compaction fait perdre de la hauteur au sédiment ; ici on perd 3 m d’après les calculs faits à l’Université grâce à des techniques de décompaction de la roche. Si on perd de la hauteur de sédiment, on perd aussi du temps géologique, mais on n’est pas en mesure d’évaluer avec certitude. On ne peut pas dire :’’ici, j’ai un cycle de 25000 ans’’
NB : sur la façade de l’ancien Resto U, rue Dr Maret, on voit bde nombreux stylolithes.

            - e) les ‘rigoulinades’ noires ou blanches
L’eau d’infiltration sort par les fissures ou les discontinuités horizontales où une petite couche argileuse forme un écran imperméable qui arrête sa descente. Cette humidité permet le développement de Cyanobactéries.


            - f) le miroir de faille :
Il apparaît comme une surface striée, noire en raison du placage de calcite noircie par la patine.
Pourquoi ces stries ? : les blocs se sont déplacés l’un par rapport à l’autre. L’orientation des stries pas tout à fait horizontale indique la direction du déplacement (il est senestre)  C’est un mouvement décrochant oblique avec une composante verticale légère.
Ces mouvements sont dus à l’ouverture de la Bresse en liaison avec l’orogenèse alpine, il y a 30 Ma (Oligocène)

 

Que nous apprend le niveau de Marnes à Digonelles observé de près dans la carrière du parking ?
La présence d’une grande quantité d’argile indique soit :
                     - un milieu calme, sans courants
                     - un milieu d’une profondeur > 150m, là où il n’y a plus d’action des vagues de tempête
                     - un milieu protégé   ex : une lagune

 

Arrêts paysages

 

- 1) depuis le chemin près du parking :
Si on regarde la carrière du point de départ, on constate que les Marnes à Digonelles sont plus basses qu’ici. Il y a eu un mouvement tectonique important vers 30 Ma, lié à l'orogenèse alpine. Les 2 compartiments ont bougé l’un par rapport à l’autre. Des failles N/Sud ont fracturé les roches qui ont été ensuite plus facilement érodées par un cours d’eau alimenté par la fonte du permafrost à la fin d’une glaciation.

 

- 2) face au Lac Kir :
Derrière la base nautique, on voit les Carrières Blanches taillées dans le Calcaire de Comblanchien (Bathonien sup.)

 

- 3) le temps favorable permet de voir la Bresse où le Calcaire de Dijon est à -1500m ! effondrement dû à une faille N/Sud lors de la montée des Alpes, formant le relief de la Côte.


- 4) vue sur la carrière de calcaire de Comblanchien, derrière des installations sportives, sous l’Avenue de la Citadelle, à droite d’un arbre isolé, le front de taille montre une zone un peu différente du reste... c’est un patch récifal confirmant un climat tropical à certaines périodes.

 

 

Petite carrière sur le chemin menant à la carrière du Belvédère :





Nous sommes là au-dessus du calcaire de Dijon-Corton sur un niveau de Calcaire en plaquettes. Il est très gélif ; l’eau qu’il contient le fait se débiter en blocs aplatis = lauzes, sous l’action du gel.
C’est un calcaire bioclastique pétri de restes fragmentés d’organismes marins.
Sur le front de taille, on voit des lignes ondulées séparant des bancs de 10 à 15 cm. Ce sont des discontinuités sédimentaires que l’on a la chance d’avoir ici sur les 2 faces verticales d’un bloc parallélépipédique. Seule une tempête peut générer cela : une surface avec mamelons et creux. Les tempêtes étaient régulières, de type cyclonique comme aujourd’hui sous les Tropiques    durée ???  quantité de matériel ???
NB : les ‘unités’ de 30 cm d’épaisseur ont la même succession sédimentaire (éléments grossiers au-dessus d’éléments fins). Elles sont séparées par des discontinuités bien marquées. On a seulement une idée de la durée du cycle : 20 à 25000 ans.

Dans les cycles solaires de Milankovitch, le cycle de 25000 ans est celui du mouvement giratoire autour de l’axe de rotation de la Terre. L’axe de rotation de la Terre décrit un cône dont un tour complet est effectué en environ 25800ans. Il serait à mettre en relation avec les variations climatiques.

 

Arrêt à la Fontaine aux Fées :

Une source s’écoule dans un bassin aménagé. Les eaux d’infiltration sont arrêtées par un niveau imperméable. Ce calcaire  marneux est appelé à tort ‘’Marnes de Talant’’. La présence de beaucoup d’argile indique un milieu profond, calme puisque de très fines particules ont pu s’y déposer

NB : 1) pour qu’une roche puisse être appelée marne , il faut qu’il y ait plus de 30 % d’argiles dans les
             carbonates
         2) les marnes et les calcaires sont des roches, les argiles et les carbonates sont des minéraux.

 


Carrières du Belvédère du Lac

 


Le sommet de la grande carrière est couronné par un Calcaire à plantes (feuilles, racines…) très lité.


 On retrouve le Callovien inférieur c.a.d le Calcaire de Dijon Corton
 échantillons :
            - calcaire oolithique beige gris car du métal a circulé pendant la sédimentation ou en
               post-diagenèse    les petites oolithes sont plus ou moins abondantes, mêlées à des débris de
               coquilles de Lamellibranches, de restes d’Echinodermes, fragments de Coraux petites traces de
               cloisons parallèles...le tout bien cimenté

Les oolithes ressemblent à des petits œufs de poisson d’où leur nom. D’un mm de diamètre, elles se forment par précipitation de calcite autour d’un nucléus (ex : débris de coquille) ; les couches successives sont concentriques ; cela implique que les oolithes soient en suspension. Elles se sont formées dans des eaux riches en calcium, agitées en permanence, peu profondes puisqu’on a la présence de Coraux…
comme actuellement, elles se forment aux Bahamas ou à Cuba.

En escaladant les marches du front de taille nous avons retrouvé des niveaux riches en Digonelles de plusieurs espèces dont Digonella divionensis bien ventrue avec deux angles la faisant ressembler à un petit sac (de farine)  Les Digonelles ont 2 valves mais ce ne sont pas des Lamellibranches ; ce sont des Brachiopodes. Une valve possède près du sommet un petit trou par où sortait le pédoncule de fixation.

Sur l’un des replats après la ‘petite’ escalade , nous avons pu voir des oscillations de houle. On voit et on peut sentir au toucher, ces ondulations dont les ‘bosses’ et les ‘creux’ parallèles font une vingtaine de cm de large.

Traces d’une dune marine au niveau d’un bloc en surplomb :
On a des lames inclinées à 45°, de 5 à 7 cm d’épaisseur avec à l’intérieur des petits traits  transverses un peu obliques et dont certains traversent plusieurs lames.  On retrouve le même processus de formation que pour les lamines obliques vues au début.
Ici, 2 hypothèses :

- pour certains géologues c’est bidirectionnel ; le sable est tiré sur la pente puis remonté expliquant les petites fissures

- pour d’autres c’est unidirectionnel, la même fissure pouvant affecter deux lames voisines ces fissures seraient d’origine tectonique et non, sédimentaire???

 

Le retour aux voitures se fit en papotant, par un large chemin plat ! Le site est très agréable mais très différent des mers tropicales du Jurassique moyen !!!